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Final Fantasy Tactics Advance
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Octobre 2022.

C’était une journée comme les autres. 

De gros flocons de neige tombaient paresseusement sur la petite ville de Saint-Ivalice dont je survolais rapidement les toits du regard, sans trop savoir ce qui m’avait conduit ici. Un vieux souvenir peut être… 

Mon attention s’arrêta finalement sur la cour d’une petite école de quartier où se préparait une bataille de boule de neige. C’est là, je m’en souvenais à présent, que je retrouverai celui que j’étais venu chercher : March Radiuju.

C’était un adolescent ordinaire, réservé et peu sûr de lui, marqué par la récente séparation de ses parents et le triste spectacle des difficultés quotidiennes de sa mère qui s’efforçait depuis de les élever seule, lui et son frère. 

March et sa famille venaient tout juste d’emménager à Saint-Ivalice, d’où était originaire sa mère, et le jeune garçon avait bien du mal à s’intégrer. À l’école, il était encore « le nouveau » et il ne semblait pas capable de s’affirmer suffisamment pour s’extirper de cette désagréable position. Assez naturellement, je crois, il s’était rapproché d’autres marginaux qui, comme lui, ne trouvaient pas leur place au sein de cette classe. Il y avait là Ritz Malheur, une jeune fille aux cheveux rouges et au caractère ombrageux, et aussi Mewt Randell, un garçon chétif qui paraissait condamné à jouer les souffre-douleurs de quelques brutes. 

Ensemble, en compagnie de Doned, le jeune frère de March qu’une maladie infantile clouait dans une chaise roulante et condamnait à un lourd traitement médicamenteux, ils rêvaient d’autres mondes ; de mondes différents, de mondes empreints de magie et de dangers, de mondes où ils sauraient trouver leur place et vivre d’incroyables aventures. 

Les livres, mais surtout les jeux vidéo, nourrissaient leurs discussions passionnées et je dois dire que je retrouvais dans ces conversations une part de moi-même. Moi aussi j’avais rêvé, et rêve encore, de ces mondes merveilleux et de ces histoires fascinantes dont j’avais été le témoin, sinon l’acteur ! 

Qu’ils étaient loin alors, en ces moments paisibles, d’imaginer que leurs rêves éveillés allaient prendre vie… Une chance ? Rien n’est moins sûr, car au cœur de ces songes enfantins se dissimulait une part d’ombre qui leur ferait regretter amèrement leurs vies tristement ordinaires, si douloureuses qu’elles puissent parfois être. 

Mais j’en reviens au début de cette histoire. 

C’était, je l’ai dit, une journée comme les autres. La bataille de boules de neiges venait de s’achever brutalement. Mewt, victime une nouvelle fois de l’acharnement de brutes imbéciles, avait le visage ensanglanté.

Soucieux de faire oublier cet incident au pauvre Mewt, March invita ses camarades à se retrouver chez lui avant la fin de la journée. Ce serait l’occasion d’y rêver d’autres mondes et Mewt promis d’apporter à cette occasion l’espèce de grimoire qu’il venait de dénicher chez un obscur antiquaire. 

L’après-midi approchait de son terme lorsque Mewt et Ritz retrouvèrent March et Doned dans la chambre que partageaient les deux frères. C’était une grande pièce, plutôt chaleureuse, avec son épais tapis vert, ses lourds rideaux et son vieux poêle à bois. Une vieille télévision rouge occupait un coin de la pièce, face aux lits des deux garçons. 

Mewt avait apporté le livre. Il le déposa délicatement au milieu du tapis et tous nous nous penchâmes sur son épaisse couverture richement décorée. Puis le livre fut ouvert. C’était un ouvrage étrange, parsemé d’images fantastiques et rédigé dans une langue aussi mystérieuse qu’incompréhensible. 

Mewt en lut quelques lignes à haute voix et c’est, je suppose, ce qui déclencha le puissant sortilège que renfermait le livre. Mais, en cet instant précis, rien ne se passa. Les quatre amis, déçus de ne rien pouvoir tirer de ce galimatias, se détournèrent alors du grimoire pour relancer cette conversation, si familière à mes oreilles, sur leurs univers de fiction favoris. Mewt fut le premier à déclarer que, sans hésitations, il choisirait de vivre dans l’univers de Final Fantasy. Doned, qui peinait à accepter sa maladie, se rêvait en mage puissant… Je les écoutai avec bienveillance, me refusant à leur faire remarquer que l’aventure, où qu’elle se déroule, pouvait s’avérer être une expérience douloureuse, voire mortelle ; et la discussion se poursuivit ainsi jusqu’à ce qu’ils finissent par se séparer. Ce soir-là, chacun rentra chez lui, emportant avec lui ses rêves et ses espoirs.

March et Doned dormant à poings fermés, je décidai de jeter un œil à la chambre de Mewt. Je n’eus pas de peine à la trouver. Le jeune garçon ne dormait pas. Accoudé au rebord de sa fenêtre, il regardait la neige tomber. A quoi pouvait-il bien songer ? Au vide laissé par la mort de sa mère ? A son père, que le chagrin avait fait sombrer dans la dépression et l’alcool ? Aux brutes qui ne cessaient de le harceler à l’école ? La vie n’avait pas été tendre avec le pauvre Mewt. 

Comme d’habitude, je passai complètement inaperçu, si bien que j’eus tout le loisir d’examiner avec attention la chambre de Mewt. C’était une petite pièce bien ordonnée, aux murs couverts de cartes et de posters, qui devaient figurer comme autant de portes vers d’autres univers, plus réconfortants que le nôtre. Une seule photo était encadrée et soigneusement posée sur un petit meuble mais d’où je me tenais, il n’était pas possible de voir ce qui y figurait. Sa mère peut-être ? 

Le mystérieux grimoire, soigneusement fermé, avait été déposé sur le lit, à côté d’un gros nounours qui avait connu des jours meilleurs. Qu’allait-il bien pouvoir faire de ce drôle de livre ? Dehors, quelques flocons de neige continuaient de tomber.  Et puis, soudainement, le livre s’ouvrit et ses pages se mirent à défiler à toutes vitesse, comme soufflées par un vent de tempête. 

Ce qui se passa ensuite, je ne me l’explique pas. Rien d’ailleurs ne saurait l’expliquer de façon rationnelle. Des pages du livre, toujours en mouvement, se mit à émerger une autre réalité qui, petit à petit, se superposa à celle que nous connaissions, jusqu’à la remplacer complètement. Un autre monde avait surgi du livre. 

Ce monde, c’était celui d’Ivalice. 

Ce n’était pas la première fois que je m’y retrouvai plongé. C’était un royaume fantastique, baigné de magie et de dangers. Là régnait d’une main de fer la reine Rémédi et ses juges et, sous leur tutelle, s’affrontaient chaque jour guerriers et magiciens, moines et assassins, sorciers et artilleurs. Les lois qu’édictaient la couronne encadraient autant qu’elles encourageaient la formation de clans combattants qui, par soif d’aventures ou de richesses, assuraient la paix relative du royaume en remplissant des missions variées au service des populations. 

Cinq espèces intelligentes cohabitaient en Ivalice : Les Homme, les Mog, les Viéra, les Nu Mou et les Vangaa. Chacune avait, naturellement, sa culture, sa divinité tutélaire, ses particularités… Là où les Mog paraissaient plus à l’aise avec la technologie, les Nu Mou possédaient une compréhension et une maîtrise des arcanes magiques sans égales, les Vangaa prisaient l’honneur, le courage et la force brute, tandis que les Viéra se voulaient plus subtiles… 

Tout cela allait se dévoiler une nouvelle fois à moi tandis que j’étais confortablement installé dans mon fauteuil. 

Pour March, les choses seraient différentes. Plus difficiles. Après tout, c’était lui et non moi qui, à cet instant précis, se réveillait péniblement au fond de la ruelle poussiéreuse d’une ville étrangère. Car oui, lui aussi avait été transporté dans le royaume d’Ivalice, alors même qu’il dormait paisiblement dans son lit. 

Par chance, ses premiers pas le conduisirent à la rencontre de Montblanc. Montblanc était un Mog, c’est-à-dire une petite créature semblable à une peluche à la fourrure beige et dont le crâne était invariablement surmonté d’une sorte d’antenne qui se terminait par un étrange pompon rouge. Derrière cette apparence inoffensive se cachait en réalité un mage talentueux, membre de l’un des nombreux clans combattants d’Ivalice. Sensible à la détresse de March, il ne tarde pas à prendre le jeune humain sous son aile et à lui offrir une place dans son clan et, avec elle, une chance de se faire une place dans ce monde. De mon côté, je suis le mouvement et me retrouve, comme d’habitude, mais c’est mon plaisir, à tout gérer dans l’ombre. 

Les premières sorties sont laborieuses. Le clan est jeune et ses membres, peu nombreux, manquent encore d’expérience et de compétences. On note tout de même qu’il y a là des représentants de chacune des races intelligentes d’Ivalice qui, chacune, ont accès à des jobs (pour reprendre le jargon d’Ivalice) différents. On dénombre trente-quatre jobs au total, dont un certain nombre ne sont accessibles qu’à des personnages déjà relativement expérimentés. Nous n’en sommes pas encore là, mais l’hétérogénéité de notre clan nous ouvre déjà de belles perspectives. 

Nos premières escarmouches, toujours sous l’œil impartial des juges du palais qui veillent au respect de lois étrangement changeantes, se déroulent sans accrocs ni éclats. Chaque affrontement est cependant l’occasion pour March de découvrir les usages de ce monde nouveau et, surtout, de s’affirmer davantage. 

La façon dont s’organise la société d’Ivalice n’est pas toujours très claire. Le rôle des clans, notamment, est obscur. N’importe qui peut, dirait-on, décider de fonder son propre clan. Il suffit de s’entourer de quelques amis en quête d’aventure ou de recruter ceux qui, intéressés par une vie plus exaltante, ne manqueront pas de se présenter puis de répondre à de simples annonces. 

Elles sont aussi nombreuses que variées ! Qu’il s’agisse de capturer des bandits, de chasser des monstres ou de cueillir des plantes, il y aura toujours une annonce affichée dans l’un des nombreux bars du royaume. Dans la plupart des cas, il faudra apporter de l’aide à qui en a besoin mais, de temps à autre, on est sollicité pour des tâches moins avouables : vol, contrebande, trafics en tout genre… On accepte sans sourcilier car ces affrontements, comme tous les autres, se feront sous la supervision attentive d’un juge qui ne semble pas se préoccuper de savoir si l’on aide la veuve et l’orphelin ou si l’on détrousse l’honnête voyageur. Seul le respect des lois règlementant les combats l’intéresse et il n’hésitera d’ailleurs pas à manifester son approbation aux combattants les plus zélés ou à punir les moins attentifs. 

Si d’autres lois président à la destinée des habitants d’Ivalice, elles ne paraissent pas s’appliquer à nous, ni aux autres clans. Drôle de monde ! 

Les jours, les semaines puis les mois passent et j’observe avec attention ce jeune homme auquel je commence à m’attacher. Il a changé, c’est évident. Ivalice l’a changé. Il n’hésite plus, sur les conseils de Montblanc et guidé par ma main, à mener le clan au combat. Chaque jour, ou presque, il se rend au bar pour y capter les rumeurs et y accepter de nouveaux contrats. Notre clan s’illustre durant la guerre des clans, sa réputation grandit, sa zone d’influence s’accroît. Nos opérations couvrent désormais une belle partie du royaume d’Ivalice, même si certaines zones demeurent encore inaccessibles. 

Mais je le sais, au fond de lui, March aspire à rentrer. A chaque mission, à chaque découverte, il espère secrètement découvrir un moyen de rompre le sort qui l’enchaîne au monde fantastique d’Ivalice. Il aime pourtant ce royaume fantastique et la vie aventureuse qu’il y mène mais il a conscience qu’il n’y a pas d’avenir à se laisser enfermer dans un rêve ou dans un jeu. Un jour où l’autre, la réalité reprend ses droits et il faut être prêt à lui faire face. 

A l’occasion d’une banale mission de chasse aux bandits, au cœur de la forêt de Nubswood, March croise la route de Ritz. Ils se reconnaissent et, pour la première fois depuis son arrivée à Ivalice, March peut échanger quelques mots avec une amie de l’autre monde, son monde. Ritz non plus n’a pas oublié d’où elle vient mais, contrairement à March, elle ne songe pas à quitter le monde merveilleux d’Ivalice pour retrouver sa vie d’avant. Elle fait désormais partie d’un clan, et aux côtés de sa nouvelle amie, Sarah, une belle Viéra, elle chasse les primes. Ritz n’aidera pas March dans sa quête et les deux amis se séparent. Je sens la déception chez March mais, malgré tout, il est heureux d’avoir revu Ritz. Il n’est plus seul à Ivalice. 

Le temps passe. Les missions se succèdent et March gagne encore en assurance. Il affiche désormais une confiance qu’il n’avait jamais ressentie dans le monde réel. Il conduit le clan au combat et accepte en son nom des missions de plus en plus périlleuses. 

Il faut dire que les membres du clan s’aguerrissent. Plus expérimentés, ils maîtrisent un éventail de compétences toujours plus large et commencent à développer des spécialités et des techniques de combats rares et souvent mortels. Chacun s’est vu attribuer un rôle, dont il ne change que lorsqu’il n’a plus rien à en apprendre. Je suis en quête constante de nouvelles techniques qui pourront profiter au clan et elles sont nombreuses ! Chacune des cinq races accède à des enseignements qui lui son propre et dispose de techniques et d’armes de prédilection. Pour ma part, j’ai depuis longtemps une affection toute particulière pour les charmantes Viéra qui, en combinant les techniques Cohérence et Dernier souffle, peuvent abattre n’importe quelle cible d’une seule frappe. 

Par ailleurs, nous disposons maintenant d’un large stock d’équipements et de suffisamment d’or pour nous fournir sans peine tout ce qui viendrait à manquer. Régulièrement, j’entraîne March dans la tournée de boutiques de toutes les grandes villes d’Ivalice, à la recherche d’une pièce d’équipement nouvelle dont le maniement serait susceptible d’apprendre des techniques jusque-là inconnues aux membres du clan. 

Un jour, alors que nous enquêtons le long des méandres de la rivière Ulei où des pêcheurs prétendent avoir aperçu d’étranges phénomènes, la trame d’Ivalice se déchire et March et moi nous retrouvons entraînés dans une dimension parallèle. Autour de nous se dressent maintenant les murs d’une salle immense et mystérieuse, semblables à ceux d’un temple ou d’un palais depuis longtemps déserté. 

En son cœur se trouve un immense cristal, vibrant d’énergie magique. S’agirait-il de celui dont parlent les rumeurs insistantes qui peuplent toutes les conversations au bar depuis quelques semaines ? Sans doute. Le hasard n’a pas sa place ici. Il se murmure que des cristaux seraient fabriqués par le palais et que leur présence causerait de nombreuses perturbations. 

Mais March n’a pas le temps de s’interroger plus longtemps car devant le cristal vient d’apparaître une fantastique créature : Fanfryt. La divinité Mog. L’affrontement est inévitable. Cependant, même ici, le pouvoir des juges s’exerce et Fanfryt ne peut s’affranchir des lois qui régissent le royaume d’Ivalice, assurant ainsi un combat équitable. 

Fanfryt est un adversaire formidable, c’est vrai, mais March et son clan ne sont pas sans défenses ! Guerriers et magiciens manœuvrent habilement sous ma houlette et, bientôt, la divinité doit s’incliner. Impressionné, Fanfryt se soumet et consent à accorder aux Mog de notre clan une partie de ses pouvoirs. Plus important, il laisse entendre qu’il existe un lien entre les cristaux et le royaume d’Ivalice. Se pourrait-il que leur destruction entraîne la disparition de ce monde fantastique ? 

Avec la disparition de la divinité, le cristal, privé de son protecteur, se fendille puis se brise et alors que ses éclats se répandent au sol, une vision nous assaille. C’est Mewt, vêtu comme un prince. Il songe, s’agite, tient des propos confus sur le rôle des cristaux, confirme nos intuitions, puis disparaît. 

Entraîné à la suite de la vision, j’abandonne March l’espace de quelques instants. Dans une vaste chambre, richement décorée, j’assiste au réveil de Mewt qui émerge d’un sommeil troublé. Son père, Cid, qui se révèle également être le juge suprême d’Ivalice, le réconforte. Mewt lui fait part de bribes de ses cauchemars. Il a rêvé du monde réel. Cid ne semble pas comprendre de quoi parle son fils. Lui ne se souvient pas. 

Prévenue du réveil du jeune prince, la reine Rémédi fait son entrée. C’est la mère de Mewt, cette mère aimante qui lui a été trop tôt arraché dans le monde réel et qui lui a si cruellement manqué. Elle embrasse son enfant, lui promet de toujours être présente à ses côtés…  

De toute évidence le royaume d’Ivalice est le produit des rêves de Mewt, un jeune garçon traumatisé par la perte de sa mère, la déchéance de son père et incapable d’accepter son impuissance. 

Mewt, angoissé par la destruction du cristal, cramponné à sa mère, la supplie de renforcer les lois pour protéger le royaume. Rémédi accepte, Cid également. 

Ainsi, la destruction de l’un des cristaux est prise au sérieux par le palais. Fanfryt a dit vrai, l’existence du royaume doit dépendre d’eux… 

Dès le lendemain, la politique répressive de la couronne se met en place. De nouvelles lois, plus strictes, font leur apparition. La prison de Sprohm ne désemplie pas. March et moi nous y rendons régulièrement pour faire libérer ceux de notre clan qui ont enfreint les règles, parfois volontairement, parfois par inadvertance. 

Bientôt dans tout le royaume la colère gronde et la résistance s’organise. D’après les rumeurs, un certain Ezel Barbier, un puissant mage Nu Mou, aurait trouvé un moyen de manipuler les interdits des juges. 

C’est par hasard, à l’occasion d’une sortie nocturne, que March et moi croiserons Ezel. Il est en fuite, pourchassé par des mercenaires lancés à ses trousses par le palais. Nous acceptons de l’aider, en échange de quelques-unes de ces fameuses cartes anti-lois dont lui seul connaît le secret de fabrication. Grâce à ces cartes, il devient possible de briser une loi, ou de la remplacer par une autre. 

Ezel Barbier, en dépit de son complexe de supériorité évident, s’avérera être un précieux allié et ses services faciliteront beaucoup nos affaires. Après quelques mois, un large marché parallèle de cartes anti-lois se met en place et s’en procurer devient chose aisée grâce à un système troc. 

Assuré de pouvoir échapper dans une certaine mesure au durcissement des lois, March se lance alors à la recherche des cristaux restants. C’est le début des mois d’errance. Le clan parcourt le royaume, profitant des missions qui lui sont confiées pour guetter des signes, capter des rumeurs… 

C’est un périple long et morne que rien ou presque ne vient égayer. Notre clan est puissant et rares sont les adversaires en mesure de le menacer véritablement. On compte dans nos rangs les meilleurs combattants du royaume, qu’ils soient mages, guerriers ou assassins, chacun d’entre eux maîtrise une panoplie extraordinairement vaste de techniques et de sortilèges à même de conférer au clan un avantage significatif dans n’importe quel affrontement. 

Au cours de notre quête, nous acceptons les missions les plus périlleuses, y compris celle qui se déroulent dans les Jagd d’Ivalice, ces terres sans juges ni lois où la mort, lorsqu’elle survient, est définitive. 

Plusieurs fois, notre chemin croise celui de Ritz. March et elle sont toujours heureux de se revoir mais la défiance s’installe. Lui veut briser les cristaux, dissiper l’illusion et retourner dans notre monde ; Elle préfère ce monde de rêves où les difficultés de la vie réelle se retrouvent abolies. 

Le temps passe. Nous finissons par acquérir la certitude qu’il doit exister cinq cristaux, un pour chacune des races intelligentes d’Ivalice. 

Et puis, enfin, nous découvrons un autre cristal, caché dans les profondeurs du volcan Roda. Son gardien est vaincu et le cristal, brisé. Dans les mois qui suivent, le troisième cristal subit un sort identique. 

Après la destruction du troisième cristal, la couronne prend toute la mesure du danger qui pèse sur le royaume. La tête de March est mise à prix et, dans tout Ivalice, la traque commence. De nouvelles lois, plus dures, sont promulguées. Face à la répression, la colère enfle et la guerre civile risque d’éclater dans le royaume d’Ivalice. Le rêve de Mewt menace de se transformer en cauchemar. 

Soucieux de préserver la paix d’un royaume qu’il aime malgré tout, March finit courageusement par se rendre aux autorités. Devant Cid, le juge suprême et Babus, le mage personnel de Mewt, mon jeune compagnon présente sa défense. Babus, incapable de comprendre le sort qui a frappé Ivalice, l’accuse d’être un révolutionnaire qui souhaite le retour “du monde d’avant”. Et quand bien même March dirait-il la vérité… Pourquoi vouloir imposer à Mewt de retrouver ce monde injuste, sinon pour satisfaire un désir égoïste de retrouver une vie paisible ?! 

March ne répondra pas, mais je pressens, moi, que sa vie, tristement ordinaire, n’a rien de paisible. Que sait Babus de la culpabilité que l’on ressent à observer chaque jour les difficultés d’un frère malade lorsqu’on est bien portant ? Que sait-il encore de la peine qu’il y a à voir ses parents se déchirer et son père quitter le foyer familial pour ne plus revenir ? Ou de ne pas trouver sa place dans un monde imprévisible ? 

Pour Cid, les choses sont différentes. Des bribes de son ancienne vie lui reviennent et le poison du doute s’insinue dans son esprit. Il ne veut pas être ce père idéal rêvé par son fils. Hanté par sa lâcheté, il souhaite désormais retrouver le monde réel et faire face à ses difficultés. Il décide alors de relâcher March et déclare l’indépendance des juges vis-à-vis du palais. 

March est libre désormais, mais les difficultés s’amoncellent sur son chemin car si les juges ont choisi de ne plus s’impliquer dans cette affaire, de nombreux chasseurs de prime à la solde du palais tentent de l’abattre. La reine Rémédi, pour remplacer le juge suprême dans son rôle de protecteur du prince Mewt, s’est attachée les services de Llednar Twem. Le jeune homme, d’une force et d’une adresse redoutable, est rendu virtuellement intouchable par une loi extraordinaire que promulgue la reine en personne.  

La première confrontation entre Llednar et March a lieu lorsque ce dernier découvre l’emplacement du dernier cristal. March ne doit alors son salut qu’à l’intervention en sa faveur de Cid et à l’arrogance de Llednar qui commet l’erreur de se croire au-dessus des lois.  

Le combat qui suit doit sceller le destin d’Ivalice. C’est le dernier des cinq cristaux et sa destruction doit, March l’espère, rompre le charme et faire disparaître cet Ivalice fantastique. C’est Mateus, la divinité des Hommes qui protège la pierre enchantée et le combat ne va pas sans difficultés. Mateus, outre sa puissance, use de multiples illusions pour tenter de faire défaillir la volonté de March et le persuader de renoncer à son projet destructeur. Les visages accusateurs de Mewt, Doned, Ritz et March lui-même défilent à tour de rôle pour nous demander d’abandonner, renvoyant sans cesse March à son égoïsme présumé. 

Le jeune homme, malgré ses doutes, ne fléchira pas et le cristal finira brisé, comme tous les autres. Pourtant, le voile de l’illusion ne semble pas altéré. Le royaume d’Ivalice tient bon et sa reine, Rémédi, sortant d’un repli du temps nous apparaît alors. C’est elle, la véritable gardienne d’Ivalice et c’est sur un ton presque tranquille qu’elle nous révèle que ce monde ne disparaîtra pas tant qu’il reste désiré. March comprend qu’il n’échappera pas à une confrontation directe avec ses amis. Il doit les forcer à renoncer à ce rêve éveillé. 

L’aventure continue et, à plusieurs reprises, March croise la route de Doned. Son frère le suit dans l’ombre depuis des mois déjà, s’ingéniant à entraver sa progression par tous les moyens. Lui, plus que tous les autres, refuse de se réveiller et de revenir à la réalité, de retrouver son fauteuil roulant, ses médicaments et ses hospitalisations régulières. Il n’hésitera pas à dénoncer son frère aux autorités, à tendre des pièges aux membres de son clan et à jeter des chasseurs de primes à ses trousses. 

Malgré les difficultés qui s’accumulent sur sa route, March reste déterminé à rencontrer Mewt en personne et, à l’occasion d’une fête donnée par la couronne, il parvient à s’infiltrer au palais. Rapidement repéré par les gardes du palais, il profite de l’aide inattendue de Babus qui le tire de ce mauvais pas et accepte de le guider jusqu’au prince Mewt. Le majordome du prince pressent que, peut-être, une vérité se cache dans les propos de March. Il comprend, confusément, que ce « monde réel » dont parle le jeune homme est peut-être celui de son prince et si tel est le cas, alors Mewt doit renoncer car « on ne peut vivre éternellement dans un rêve ». 

Mais le garçon n’est pas prêt à accepter cette cela, et même l’intercession de Babus n’y changera rien. Il refuse de renoncer à ce royaume qu’il dirige, à ces gardes qui le protègent et, surtout, à sa mère qui lui manque tant dans l’autre monde. Ici, Rémédi ne s’éloigne jamais de lui ; constamment elle susurre à son oreille qu’elle sera toujours présente à ses côtés, que rien ne les séparera jamais… Elle est son poison ! La reine, décidée à empêcher March de parler à Mewt, disparaît avec son fils, laissant à Llednar le soin de régler ce problème. C’est la deuxième fois que nous l’affrontons. C’est un adversaire que nous ne pouvons pas vaincre. Cette fois encore, Cid intervient pour mettre fin à ce duel qui se serait inévitablement soldé par la mort de March. 

La reine Rémédi et le prince Mewt demeurent introuvables et, très vite, la rumeur de leur disparition se répand dans tous le royaume. Babus et Cid ont promis de les retrouver et March décide de les laisser faire. Lui souhaite régler un autre problème : il est plus que temps de vider sa querelle avec son frère Doned. Lui aussi, comme les autres, doit accepter de revenir à la réalité… et puis c’est son petit frère ! N’a-t-il pas toujours veillé sur lui ? March n’a pas trop de peine à attirer Doned dans une vieille mine de mitrhil pour se confronter à lui. Doned se montre particulièrement virulent et, pour la première fois, March, d’ordinaire si réservé, si poli, s’autorisera à dévoiler sans détours ses sentiments à son frère. En quelques phrases seulement, il lui fait comprendre que non, sa vie dans l’autre monde, le vrai monde, n’est pas sans soucis, sans culpabilité, sans tristesse… Lui comme tous les autres a un fardeau à porter, des souffrances à endurer. Doned, bouleversé par la franchise de son frère, prend alors conscience de son égoïsme et cet instant scelle la réconciliation des deux frères. 

L’esprit libre, March peut consacrer les semaines qui suivent à divers préparatifs. Où que soient Rémédi et Mewt, il ne sera pas aisé de les atteindre. Tandis que le clan se procure les meilleurs équipements disponibles, ses combattants parachèvent leur entraînement. C’est aussi une façon pour March de patienter pendant que d’autres recherchent le refuge du prince. C’est finalement Cid qui parvient à retrouver la reine. Elle et son fils se terrent dans la Vallée de Rois, où se dresse la résidence d’été des rois d’Ivalice. 

Ultime préparatif, Ezel et Cid partagent leur science pour concevoir et fabriquer une anti-loi suffisamment puissante pour déroger au puissant enchantement que la reine a accordé à Llednar. C’est Cid lui-même, en tant que juge suprême, qui conserve et se prépare à utiliser cette carte maîtresse. 

Enfin, le clan prend la route pour rejoindre le palais d’été. En fin de journée, nous abordons les contreforts escarpés de la Vallées des Rois. Sur les hauteurs, devant le seul pont qui permet de franchir un torrent mugissant, Ritz nous attend. Elle n’est pas seule. Sarah est avec elle et d’autres guerrières Viéra également. Nous ne franchirons pas ce pont sans combattre. Ritz ne le permettra pas. Des mois durant elle a espéré que March renoncerait, qu’il n’aurait ni la force ni la détermination d’aller jusqu’au bout de son plan. En vain. A contrecœur, elle se résout à affronter son ancien camarade. Sarah lui proposera de se retirer et de la laisser mener le combat mais Ritz refusera de se défiler. Elle se battra, même s’il lui en coûte et March, qui partage sa répugnance, n’en fera pas moins. Sur le pont de bois qui mène à la Vallée des Rois et au prince Mewt, les deux amis combattront chacun pour un monde. Mais Ritz doute. Elle sait, au fond, qu’elle ne peut pas rêver d’Ivalice pour l’éternité. Consciente qu’elle vit un rêve éveillé, semblable à un de ces jeux fantastique qu’elle affectionne tant, elle finira par lâcher : 

“Même les jeux les plus longs ont une fin. Ça fait partie du plaisir de jouer, arriver à la fin… Même si on voudrait que ça dure un peu plus longtemps.” 

March, lui, n’hésite pas et les membres de son clan l’accompagneront jusqu’au bout. Sans peine, ils défont Ritz, Sarah et leurs acolytes avant de reprendre leur chemin vers le palais d’été. March, qui s’est attardé quelques instants auprès de son amie vaincue, s’inquiète de l’avenir de leur amitié. Ritz hausse des épaules. Elle comprend ses raisons, comme lui comprend les siennes. Bien sûr qu’ils resteront amis ! Le cœur léger, March reprend sa route. 

Enfin, il arrive sur le parvis du palais d’été. C’est un bâtiment splendide, fait de pierres à la couleur ambrée et dont la façade est couverte de bas-reliefs. Plus qu’un palais, le magnifique édifice ressemble à un temple dédié à toutes les divinités du royaume. Cid l’attend déjà et, après quelques minutes, les portes du palais s’ouvrent pour laisser place à Llednar. 

L’affrontement est, une fois de plus, inévitable. Mais ce sera le dernier. Cid, malgré son statut de juge, n’hésite pas à bafouer la loi et à défaire l’édit qui protège Llednar contre tout mal grâce à la dernière carte anti-loi d’Ezel. Cid, bafouant l’obligation d’impartialité que lui impose son rôle, prend fait et cause pour March. Belle preuve de confiance. 

Llednar, privé de la protection de la reine, engage malgré tout le combat, accompagné de quelques mercenaires triés sur le volet. Ils sont balayés sans peine et leur chef est vaincu. Défait, Llednar, se change en une statue de pierre avant de tomber en morceaux. Ainsi, il n’était pas humain… ce n’était qu’une entité née de la peur et de la colère de Mewt, une version faussement idéale de lui-même. Son nom, Llednar Twem est d’ailleurs l’anacyclique de celui de Randall Mewt. 

Seule la reine se dresse désormais entre March et Mewt. Elle nous attend, au cœur du palais de l’été, dans une vaste salle ornée d’un immense haut-relief figurant la statue d’une déesse à la main tendue. C’est là que le sort d’Ivalice doit se jouer et pourtant, le prince ne semble pas présent. 

Alors March confronte la reine Rémédi. Comme tous les autres, elle essaie de le persuader que le royaume d’Ivalice vaut mieux que la petite bourgade enneigée de Saint-Ivalice, mais en vain. March, qui refuse de vivre dans une illusion, force la reine à se dévoiler. Elle est le démon du grimoire, le Li-grim, une créature qui tisse les désirs pour faire émerger des réalités. 

Mewt, qui vient d’apparaître mystérieusement dans la main de la déesse, assiste à l’affrontement entre son ami March et la créature qu’il prenait pour sa mère. March l’exhorte à renoncer à ses rêves et à accepter le retour du monde réel. Bien que March et ses compagnons combattent avec acharnement le Li-grim, c’est Mewt qui mène en son for intérieur le véritable combat. C’est lui, lui dont les désirs sont à l’origine de cet Ivalice fantasmé, qui peut seul décider de la fin de ce rêve éveillé. Les avis de son père, Cid, et de son fidèle Babus, qui, au cours des mois passés, lui ont conseillé de se réveiller pour affronter la réalité, viendront peser dans la balance et au terme d’un suprême effort de volonté, le petit garçon accepte de renoncer. A peine les mots prononcés le voilà qui disparaît, au moment même où le Li-grim s’écroule sous les assauts de March. 

Quelque part dans les régions désertiques d’Ivalice, Ritz observe les flocons de neige qui commencent à tomber et elle comprend que March a réussi. Son monde, le monde réel, commence lentement à reprendre ses droits et la petite ville de Saint-Ivalice s’apprête à supplanter le royaume éponyme. 

March, Doned, Ritz, Mewt, Cid… tous profitent de leurs derniers instants dans ce royaume fantastique pour faire leurs adieux à leurs camardes. Montblanc, Sarah, Babus… personne ne semble savoir ce qu’il adviendra d’eux lorsque la réalité aura repris ses droits. Ivalice et ses habitants continueront-t-ils d’exister dans une réalité parallèle ? C’est ce que chacun veut croire, mais nul n’en a la certitude. 

Petit à petit, puis plus rapidement, le royaume d’Ivalice disparaît pour laisser place à la petite ville de Saint-Ivalice. Ici, rien n’a changé, c’est toujours le même hiver. Combien de temps s’est-il écoulé ? Impossible à savoir, mais sans doute pas plus qu’une nuit. Ritz traverse la rue. Ses cheveux sont d’un blanc éclatant. Elle a renoncé à les teindre, comme le lui avait conseillé Sarah. Cid, enfin Monsieur Randell, le père de Mewt, vient de décrocher un travail. Doned est toujours en fauteuil roulant, mais il accepte mieux sa situation et sort de son isolement. Quant à Mewt et March, ils tiennent désormais tête aux brutes de l’école, forts de cette confiance qu’ils ont acquise dans le royaume d’Ivalice. 

Ainsi, une page se tourne et tout est bien qui finit bien. Sans doute est-il temps pour moi aussi de regagner mon monde. 

Novembre 2023

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